La gestion des traitements médicamenteux chez la personne âgée constitue un défi pour les professionnels de santé. La polymédication est fréquente et s’accompagne souvent d’une observance fragile. Or, le non-respect des prescriptions expose à des risques importants, allant de la décompensation à la réhospitalisation, notamment chez les plus de 80 ans. Selon les données disponibles, près d’un quart des hospitalisations dans cette tranche d’âge serait lié à des complications iatrogéniques dues aux médicaments.
Des applications pour patients numériquement autonomes
Pour répondre à cette problématique, plusieurs acteurs développent des dispositifs combinant préparation, suivi et coordination des soins. Parmi eux, l’entreprise française Medissimo, historiquement spécialiste des piluliers sécurisés en établissements pour personnes âgées, étend désormais son offre vers les officines de ville. Son objectif est clair : améliorer la sécurisation du médicament et accompagner l’observance à travers un écosystème applicatif connecté.
Philippe Tisserand, directeur applications mobiles chez Medissimo, explique : « La finalité de cet écosystème est d’alimenter un bilan médicamenteux partagé entre les professionnels de santé et intégré dans le Dossier Médical Partagé (DMP). » Cet ensemble d’outils numériques comprend plusieurs applications adaptées aux différents acteurs – infirmières, SSIAD, patients, aidants –, facilitant la communication et la collecte de données en temps réel.
L’application Kimed, destinée aux patients à l’aise avec le numérique, envoie des rappels de prise, permet d’enregistrer les observances et effets secondaires, et offre un canal direct d’échanges avec le pharmacien. Cependant, Philippe Tisserand note une limitation majeure : « La proportion de patients âgés capables d’utiliser ce type d’outil numérique reste faible, même si elle tend à augmenter avec le renouvellement générationnel. »
Au cœur du dispositif, le pilulier préparé en pharmacie reste la base incontournable. « Lorsqu’on parle de préparation, tout repose sur le pilulier, qui devrait idéalement être préparé en pharmacie », insiste Philippe Tisserand. Couplé à l’application, ce système vise une « sécurisation du médicament jusqu'à la prise à domicile ».
Un suivi dose par dose, heure par heure
Côtés professionnels, le pharmacien utilise une application dédiée, nécessitant une formation d’environ une heure et un équipement spécifique pour préparer les piluliers conformes. Ce travail s’inscrit dans une démarche coordonnée entre médecins, infirmiers et pharmaciens, pour une meilleure réactivité face à l’ « inertie clinique » – cette lenteur d’adaptation des traitements qui aggrave les risques pour les patients.
Dans cette boucle, l’infirmiers est au centre : il peut, via son application, accéder aux données de délivrance des médicaments, assurer un suivi continu et collaborer avec le pharmacien grâce à une messagerie intégrée, et agir rapidement, au plus près du patient. À la fin du traitement, un bilan médicamenteux partagé est généré et intégré au DMP, offrant ainsi aux parties prenantes une vision claire des raisons possibles d’une mauvaise observance, ouvrant la voie à une adaptation du traitement.
Cette coordination est d’autant plus importante que la prise médicamenteuse autonome, en oncologie orale par exemple, pose des questions spécifiques. Clément Sicard, directeur des opérations chez Thess Corporate, décrit une innovation développée pour pallier ces risques : Therapy Smart System. Un pilulier connecté avec des boîtes traçables, permettant de monitorer à distance la prise exacte du médicament, dose par dose et horaire par horaire.
« Avec notre système, il n'y a plus de problème », assure-t-il. « Les patients sont plus autonomes, car le dispensateur gère les boîtes et les appelle dans l’ordre. Nous traçons gélule par gélule, et en cas d’oubli, une alerte est envoyée immédiatement au professionnel de santé qui peut réagir. »
Une dispensation adaptative
Ce dispositif est utilisé en France pour l’instant par un nombre limité de patients en foyers d’accueil médicalisés. D’autres cas d’usage sont également en cours d’évaluation clinique au Canada et à Nîmes dans le cadre d’ordonnances complexes. « Avec notre système et quelques algorithmes et un peu d'intelligence artificielle, nous produisons un logigramme avec les anesthésistes qui permettra aux patients d'avoir la bonne recommandation du médicament qu'il doit prendre et de la dose qu'il doit prendre, en temps réel, en fonction de sa situation et de sa déclaration de son état de douleur. » Une dispensation adaptative du médicament pour le patient qui n’est pas toujours en capacité cognitive de bien interpréter ou de bien suivre une ordonnance complexe.
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