Selon l’assurance-maladie, sur 13,3 millions de patients de plus de 65 ans, plus de la moitié (6,7 millions) est polymédiquée, c’est-à-dire qu’elle se voit rembourser plus de 5 molécules au moins 3 fois dans l’année. C’est trop. Une nouvelle catégorie a même été créée : les patients hyperpolymédiqués, pour qui ce sont plus de 10 molécules qui sont remboursées au moins 3 fois dans l’année. Cela concerne 1,6 million de patients de plus de 65 ans (14 %). La polymédication chez la personne âgée est associée à des risques iatrogéniques avec hospitalisations et décès prématurés à la clé.
L’heure est donc à la sobriété médicamenteuse et à la pertinence des prescriptions avec pour objectif clairement affiché par l’organisme payeur : la réduction de la consommation de médicaments chez les personnes âgées. L’assurance-maladie a ainsi déployé plusieurs actions pour un usage raisonné des médicaments. Dans la convention médicale signée en 2024, elle a fixé pour objectif une diminution de 4 molécules dans le traitement chronique des patients hyperpolymédiqués et de 2 molécules dans le traitement chronique des patients polymédiqués de 65 ans et plus. Elle a introduit une consultation annuelle de déprescription pour les patients hyperpolymédiqués de plus de 80 ans (tarif : 60 euros) qui sera mise en place en janvier 2026, et reliée à la réalisation de bilan partagé de médication en pharmacie. Elle a aussi créé un « bonus sobriété » pour les médecins les plus vertueux. En novembre dernier, elle a diffusé sur tous les écrans une campagne grand public avec pour slogan : « Le bon traitement, c’est pas forcément un médicament ».
L’industrie pharmaceutique aussi est partie en campagne contre la surconsommation de consommation. Le Leem (Les Entreprises du médicament) a lancé en juin 2024 sa campagne « Réduisons le volume » pour sensibiliser les personnes de plus de 65 ans, leurs aidants et les professionnels de santé à la polymédication. 25 000 médecins ont ainsi été mobilisés : ils ont reçu des pop-up via leurs logiciels d’aide à la prescription, des newsletters de sensibilisation, et une formation en ligne. 300 000 professionnels de santé ont également été sensibilisés via une newsletter. Résultats : près d’une ordonnance polymédiquée sur 20 a été corrigée par les médecins généralistes.
Chasser les médicaments inappropriés
En France, la déprescription n’a pas de cadre réglementaire et les recommandations nationales sont encore pauvres. Différents organismes, notamment les Agences régionales de santé (ARS) et les Omédit (observatoires des médicaments, dispositifs médicaux et innovations thérapeutiques) ont cependant développé des outils et partagent leurs ressources sur leurs sites. Ainsi, les professionnels de santé peuvent s’appuyer sur plusieurs outils validés :
- Le Guide PAPA (pour « prescriptions médicamenteuses adaptées aux personnes âgées »), conçu par la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) et le Conseil national professionnel de gériatrie (CNP), regroupe 42 fiches de « bonne prescription médicamenteuse » adaptées aux personnes âgées de 75 ans et plus. L’ouvrage est payant (14 euros pour la version papier, 10 euros pour la version numérique) ;

- STOPP-START (pour screening tool of older persons’prescriptions-screening tool to alert doctors to right treatment : stoppstart.free.fr) dresse la liste, par système physiologique, des médicaments inappropriés, des interactions entre les médicaments et des comorbidités (critères STOPP), et des omissions de prescriptions considérées comme appropriées (critères START). La version 3 liste 133 médicament à arrêter chez la personne âgée et 57 médicaments à instaurer ;
- Le site canadien deprescribing.org, une référence, propose des algorithmes de déprescription pour plusieurs classes thérapeutiques, en anglais ou en français (benzodiazépines, IPP…) ;

- Le site medstopper.com évalue l’ordonnance et priorise les arrêts de traitement, en signalant également les symptômes possibles à l’arrêt du traitement.

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