Mort subite en compétition

Autopsie d’un accident rare

Publié le 29/11/2010
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La mort subite touche chaque année plus d’un millier de sportifs. Des sédentaires qui disputent une partie de tennis entre copains, mais aussi des athlètes de haut niveau. Ce risque fatal est à bien connaître, pour mieux l’éviter.

DEPUIS L’ARRÊT CARDIAQUE du champion Tom Simpson sur le Mont Ventoux lors du Tour de France 1969, la liste des morts subites en pleine action de sportifs connus s’est allongée. Des footballeurs comme l’international camerounais Marc-Vivien Foé, décédé à 28 ans, en 2003, en demi-finale de la Coupe des Confédérations à Lyon, le Brésilien Serginho (30 ans) en 2004, l’Espagnol Antonio Puerta (23 ans) en 2007… Mais aussi des rugbymen, basketteurs, joueurs de handball ou de volley, marathoniens et même des patineurs comme le russe Grinkov, quadruple champion du monde et deux fois médaillé olympique, qui s’est effondré en 1995 en soulevant sa partenaire.

Des hommes dans 9 cas sur 10.

En France, selon l’Académie de Médecine, parmi les 50 000 morts subites enregistrées chaque année, 1 000 à 1 500 touchent des sportifs. À l’entraînement ou le plus souvent en compétition, professionnels ou amateurs, il s’agit d’hommes dans 90 % des cas. C’est donc un accident peu fréquent compte tenu du nombre de pratiquants, mais qui étonne et même effraie parce que le sport est a priori bénéfique pour la santé. En fait, dans la très grande majorité des cas, on retrouve un problème cardiaque préexistant, dont plus des deux tiers sont détectables avant l’accident (ECG au repos et à l’effort, échographie cardiaque). « Le sport lui-même n’est pas la cause de la mort subite, mais il la déclenche en provoquant une arythmie maligne qui complique une cardiopathie ignorée », explique le Pr Claude Le Feuvre (Institut de Cardiologie, Pitié Salpêtrière, Paris)*.

Anomalies congénitales.

Chez les jeunes de moins de 35 ans, ces arrêts cardiaques brutaux au cours de l’effort sont rares (quelques dizaines de cas par an en France) et dus pour la plupart à des cardiomyopathies silencieuses : dysplasie arythmogène du ventricule droit, myocardiopathie hypertrophique, anomalies congénitales des coronaires, hypertrophie du ventricule gauche, dissection aortique, myocardite mais aussi athérome coronarien (20 % des cas).

En revanche, chez les plus de 35 ans, la maladie coronaire, connue ou pas, est la principale cause de ces morts subites (85 %). Gare aux effets du tabagisme, même arrêté depuis des années, à l’hypertension, au surpoids et à la sédentarité. Les sédentaires qui « se remettent » au sport à un rythme intensif sont particulièrement concernés. Un septuagénaire entraîné et bien suivi prend bien moins de risques en courant un marathon qu’un homme de 40 ou 50 ans sans activité physique qui décide de se « décrasser » en faisant un jogging ou un petit tournoi de tennis avec des copains…

Un défibrillateur à proximité.

La mort subite du sportif étant due, dans 90 % des cas, à une fibrillation ventriculaire (contractions anarchiques des oreillettes), le recours au défibrillateur automatisé externe permet de sauver des vies. L’appareil procède automatiquement au diagnostic grâce à un logiciel d’analyse de tracé électrocardiographique et, si nécessaire, délivre un choc électrique pour resynchroniser le battement cardiaque. Selon le Pr Xavier Jouven (HEGP, Paris), il multiplie la survie par 15, mais une petite formation est souhaitable. De toute façon, il n’y en a pas encore beaucoup, les stades et les terrains de sport ne sont pas tous équipés, loin s’en faut. Le délai d’intervention compte aussi : entre 1 et 3 minutes, la survie est de 40 %, entre 4 et 6 minutes de 35 %, elle est encore de 25 % entre 7 et 10 minutes, mais au-delà, elle chute à 2 %

* Printemps de la Cardiologie, Nantes, 16 avril 2010.
› ÈVE OUDRY

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2793