Congrès national des pharmaciens

Trois mois pour changer le métier

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Publié le 16/10/2025
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Trois mois, c’est la durée que couvre l’arrêté du 7 octobre revenant sur la baisse du plafond des remises génériques. Trois mois, c’est le temps qui reste à la profession et aux pouvoirs publics pour trouver un nouveau mode de rémunération à la pharmacie d’officine. Nul doute que ce délai sera insuffisant pour relever ce défi. Mais, les pharmaciens sont bien décidés à utiliser le répit qui leur est donné pour engager une réflexion sur l’avenir de leur modèle économique et, de manière générale, sur leur exercice professionnel.

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Thomas Fatôme, directeur général de l’assurance-maladie, a répondu aux interrogations de Nathalie Arnoux, Valérian Ponsinet, Sabine Leny et Antonin Bernard, présidents départementaux du syndicat des pharmaciens (FSPF)
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Invités de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Edouard Philippe, ancien Premier ministre, et Agnès Firmin-Le Bodo, pharmacienne, ancienne ministre de la Santé

« Nous avons vu en juin comment une mesure soudaine pouvait casser notre modèle économique. Et combien celui-ci était fragile », a déclaré, le 11 octobre, Agnès Firmin-Le Bodo, pharmacienne, ancienne ministre de la Santé et députée, invitée à prendre la parole au Congrès national des pharmaciens, à Lyon. Forte de cette prise de conscience, la profession a pris la mesure du chantier qui s’ouvre à elle : réformer en profondeur son mode de rémunération pour assurer la pérennité du maillage officinal.

Prolonger le système des remises afin de permettre aux officines de tenir le temps qu’une réforme soit engagée

Pour autant, les trois mois de répit que lui accorde l’arrêté du 7 octobre, gelant la baisse du plafond génériques, ne sauraient suffire. « Pourrons-nous changer le métier en trois mois ? La réponse est clairement non », a poursuivi Agnès Firmin-Le Bodo, faisant référence à la réforme de la tarification à l’activité (T2A), à l’hôpital. Et Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), d’insister sur la complexité d’engager une réforme systémique, « de faire bouger quelques milliards d’euros, d’une méthode à une autre ».

C’est de manière collective que la profession s’engage dans une réflexion commune pour faire évoluer l’entreprise officinale, son économie et ses pratiques. D’où la nécessité d’arriver à prolonger le système des remises qui permettra aux officines de tenir le temps que cette réforme soit engagée. Au-delà de l’électrochoc qu’il a provoqué, l’arrêté du 4 août aura eu la vertu de provoquer un sursaut et de fédérer une profession autour de son avenir.

Rassembler les idées du terrain

Le 10 octobre, en préambule du Congrès national des pharmaciens, lors d’une réunion plénière, les présidents départementaux, le bureau national et le conseil d’administration de la FSPF ont décidé de lancer une grande consultation auprès des pharmaciens pour recueillir leurs idées sur le changement à opérer sur le mode de rémunération, et plus largement sur le modèle de l’officine. Les présidents départementaux seront chargés de rassembler les idées sur le terrain. « Parallèlement, avec nos experts, IQVIA et des universitaires, nous poursuivrons les réflexions qui viendront compléter celles de l’IGAS et de l’IGF », précise Philippe Besset faisant référence au deuxième volet de l’arrêté. Celui-ci lance en effet une « mission flash » de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les flux financiers de la distribution du médicament.

Si l’enjeu est bien de dépasser la crise des remises génériques pour réviser le modèle économique de l’officine, la baisse du plafond s’est imposée comme sujet central de ce 77e Congrès des pharmaciens. Le président de la FSPF s’est même adressé aux laboratoires pharmaceutiques : « Je demande solennellement aux industriels de jouer le jeu du nouvel arrêté et de remonter à 40 % les lignes qui étaient tombées à 30 % au mois de septembre. Certains le font déjà », a tenté le président de la FSPF.

Après la rupture du pacte conventionnel, une volonté d’apaiser et d’aller de l’avant

Une question de confiance

Plus globalement, c’est un appel à la substitution des biosimilaires que lance Philippe Besset, avec un objectif ambitieux : « 95 à 97 % de substitution. Ce doit être votre objectif de tous les jours, celui des titulaires, celui de leurs équipes. C’est la seule voie pour l’année prochaine, tant pour l’assurance-maladie que pour les pharmaciens, de sortir la tête de l’eau. » Philippe Besset explique : « C’est un accord gagnant-gagnant pour tout le monde : les laboratoires, l’assurance-maladie, nos patients, l’économie des officines, mais aussi pour l’innovation, pour permettre de financer des thérapeutiques innovantes pour les Français. » Car les pharmaciens sont prêts à endosser la responsabilité d’une réforme pourvu que les pouvoirs publics leur donnent les garanties quant à la pérennité économique de leur entreprise officinale, et la sérénité de leur exercice professionnel.

Ces deux jours de congrès auront été l’occasion pour les titulaires d’évoquer, notamment auprès de Thomas Fatôme, directeur général de l’assurance-maladie, multiples sources d’inquiétudes et d’insatisfaction : complexification administrative, lutte contre les fraudes, prix du médicament… Si ces questionnements n’ont pas toujours reçu de réponse, ils auront eu le mérite d’évoquer l’urgence qu’il y a à tracer des perspectives pour l’officine. Et ce malgré les incertitudes qui pèsent, de manière générale, sur l’avenir politique de notre pays. Pour illustrer ce contexte inédit, le retour de Sébastien Lecornu au poste de Premier ministre a précédé de quelques heures l’ouverture du congrès. Un come-back apprécié par le président de la FSPF, comme un gage de continuité. « Sébastien Lecornu a fait un pacte de confiance avec nous, les pharmaciens. J’ai confiance en lui », a expliqué Philippe Besset, dans son discours d’inauguration. Après la trahison vécue par la profession le 20 juin, « une rupture du pacte conventionnel qui amputait des ressources de l’officine déjà bien entamées », l’arrivée de Sébastien Lecornu à Matignon a été saluée comme un changement de méthode immédiat. Et la publication de l’arrêté du 7 octobre, « comme une volonté d’apaiser les tensions et d’aller de l’avant ». Il est à souhaiter que le nouveau gouvernement soit dans les mêmes dispositions et soit prêt à traduire cet objectif dans les textes, y compris dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ( PLFSS) pour 2026.

Anne-Hélène Collin, Arthur-Apollinaire Daum et Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien