Pharmacovigilance

Fluoroquinolones : encore trop de prescriptions non conformes

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Publié le 19/12/2025
ciflox

Si les prescriptions de fluoroquinolones ont diminué de plus de moitié entre 2014 et 2023, les deux tiers d’entre elles seraient encore non conformes aux recommandations en vigueur, alerte une nouvelle fois l’Agence de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Des prescriptions hors cadre qui peuvent entraîner des effets indésirables rares mais très graves chez certains patients.

Depuis plusieurs années, les autorités sanitaires sensibilisent les prescripteurs sur les risques d’effets indésirables graves liés aux fluoroquinolones (ciprofloxacine, délafloxacine, lévofloxacine, loméfloxacine, moxifloxacine, norfloxacine, ofloxacine). Une communication et un durcissement des conditions de prescription qui portent leurs fruits. En effet, l’utilisation de cette classe de médicaments en France a diminué de moitié entre 2014 et 2023, passant de 4,8 à 2,2 millions de délivrances annuelles, soit une baisse de 59 %, selon une dernière étude d’Epi-Phare. Ces résultats positifs ne doivent cependant pas masquer une autre réalité : le mésusage des fluoroquinolones perdure. Ainsi, « deux tiers des prescriptions en 2023 seraient non conformes aux recommandations les plus récentes, exposant les patients à des risques d’effets indésirables très rares mais graves, parfois invalidants et irréversibles », rapporte l’ANSM, qui alerte donc une nouvelle fois les prescripteurs sur l’importance d’un recours approprié à ces médicaments. « Les fluoroquinolones ne doivent être prescrites que lorsqu’elles représentent le meilleur choix thérapeutique, quand d’autres antibiotiques sont inefficaces ou contre-indiqués, conformément aux recommandations en vigueur. Elles doivent être évitées dans des situations où d’autres antibiotiques peuvent être utilisés. Elles ne doivent pas être prescrites pour traiter des infections non sévères ou spontanément résolutives », rappelle l’agence du médicament.

Cette nouvelle alerte de l’ANSM fait suite aux résultats d’une étude observationnelle menée par Epi-Phare et publiée en décembre 2025. Ces travaux ont analysé l’évolution du mésusage des fluoroquinolones par voie orale chez les adultes en 2014, 2019 et 2023 en France. Si le volume des prescriptions a fortement diminué en 10 ans, moins de 25 % d’entre elles respectent « les critères plus stricts de la Haute Autorité de santé (HAS) en 2016 et 2021 et ceux de l’indication révisée par l’Agence européenne du médicament en 2019 », note l’ANSM, qui observe en particulier une non-conformité des prescriptions « particulièrement prononcée chez les femmes et les patients âgés de 75 ans et plus ». Si l’on prend en compte les référentiels les plus récents, « les infections urinaires et prostatiques représentent 64 à 65 % des usages non conformes, tandis que les infections respiratoires et ORL ne comptent plus que pour 14 à 16 % des cas », explique le gendarme du médicament. « L’écart entre les pratiques cliniques et les référentiels actualisés persiste dans l’utilisation des fluoroquinolones en France, traduisant la nécessité de poursuivre la mobilisation », juge globalement l’ANSM, alors que de nombreuses mesures, notamment la mise en place sur les boîtes de fluoroquinolones d'un message d'alerte associé à un QR code ou l’intégration de messages dans les logiciels d'aide à la prescription et d'aide à la dispensation, ont encore été appliquées récemment.

Les fluoroquinolones, très efficaces contre certaines infections bactériennes sévères, peuvent être à l’origine de potentiels effets indésirables graves : tendinopathies, troubles cardiaques et vasculaires, neuropathies périphériques, troubles neuropsychiatriques, photosensibilisation, sans oublier le développement de résistances bactériennes. Les recommandations en vigueur proscrivent la prescription de fluoroquinolones pour des infections non sévères ou spontanément résolutives, la diarrhée du voyageur ou des infections récidivantes des voies urinaires basses, des infections non bactériennes (comme la prostatite chronique non bactérienne), ou des infections de sévérité légère à modérée (comme les cystites) sauf si les autres antibiotiques recommandés sont jugés inappropriés. De plus, « l'utilisation concomitante de corticoïdes et de fluoroquinolones doit être évitée dans la mesure où elle augmente nettement le risque de tendinopathie », rappelait encore récemment l’ANSM.


Source : lequotidiendupharmacien.fr