Portrait

Étienne Thouveny, pharmacien "virtuel"

Par
Publié le 11/05/2017
Article réservé aux abonnés
Il diffuse des vidéos sur Internet dans lesquelles il explique les médicaments, mais avec la volonté d'aider les patients, de faciliter le travail des autres pharmaciens, et de se faire plaisir.

« Un pharmacien à son comptoir répond toujours à des questions sur les médicaments. Les mêmes questions reviennent souvent. » Ce constat a amené Étienne Thouveny à imaginer une autre forme de réponse. Passionné d'images, de vidéo et d'informatique « depuis toujours », ce pharmacien adjoint de Lille (Nord) en est venu à « donner cette information dans des vidéos, de façon ludique ».

En sélectionnant You Tube, sur Internet, puis Thouveny, ou Pharma Silica, le nom de sa société, on dispose d'informations sur le Doliprane, des tests de grossesse, l'aromathérapie, le bicarbonate de soude, voire le purple drank, cette pseudo-drogue à la mode. « Quitte à faire des vidéos, j'ai pensé qu'il fallait aller aussi loin que possible », explique Étienne Thouveny.

Partant du principe que « ce n'est pas parce que vous n'êtes pas pharmacien qu'il ne faut rien comprendre aux médicaments », il commente donc les molécules, les composants, les effets, les formules chimiques, les excipients, alternant explications et ton décalé. Il fait même des comparaisons, comme entre le Dafalgan et le Doliprane. « Certaines personnes tolèrent mieux un médicament sec, d'autres préfèrent un pelliculé. »

Mise en scène

Étienne Thouveny a d'abord ouvert une chaîne sur You Tube, un site d'hébergement de vidéos, appartenant aujourd'hui au géant Google. Les utilisateurs comme notre pharmacien peuvent y envoyer une vidéo qui sera ensuite regardée, commentée, voire partagée par des internautes.

« J'ai le souci de la mise en scène, précise Étienne Thouveny, mais je choisis les médicaments selon leur intérêt» Il n'est tenu à aucun cadre : le film sur les tests de grossesse dure dix minutes, celui sur les comprimés effervescents quatre minutes. Celui sur le purple drank, son meilleur score, prévenait des risques de cette drogue, mais a été détourné de son objet car les jeunes y cherchaient une recette de fabrication.

Il s'est fixé d'en produire un par mois, mais le pharmacien, jeune père de famille, a été contraint de ralentir : « Une vidéo représente beaucoup de boulot, de 30-40 heures à 60 heures de travail. Depuis l'écriture, la mise en scène, le tournage, l'enregistrement, jusqu'à la mise en ligne. Je trouve quelques heures, très tôt le matin. »

Vulgariser sans déformer

« Au départ, je voulais allier ma passion pour la vidéo, la photo et l'informatique, et mon métier. Je crois aussi que je peux aider les pharmaciens dans leur travail, car mes vidéos ne se substituent pas aux professionnels, et je le répète toujours. Il faut vulgariser sans déformer, et je soumets toujours mes films aux labos avant de les diffuser. Au début, je n'ai eu aucune réponse. Après un article dans le quotidien régional, j'ai des réponses, on m'envoie des boîtes de médicaments pour faire des images, mais je ne demande pas d'aide. Mes vidéos ne sont pas monétisées. »

Les vingt et une premières vidéos, en un an, ont été vues par 50 000 personnes, « mais le plus gros score a été celui du purple drank, qui a été détourné : je voulais avertir du danger ! »

 

« Internet facilite une communication très large, poursuit Étienne Thouveny, mais il y a des risques. Je dispose de sites de référence pour ma propre information, et moi-même je rappelle toujours que les informations que je donne ne remplacent pas le contact avec le médecin ou le pharmacien. Mais si ce que je fais et diffuse via Internet sert à quelqu'un, j'ai réussi mon objectif. »

Sa chaîne a reçu un accueil « très positif » de la part des patients (qui font des commentaires), et un « bon accueil » de la profession. Il sait aussi que les réseaux sociaux peuvent démultiplier l'impact de ses vidéos. Il a lui-même disposé d'Internet « dès ses débuts », mais ne se veut pas « accro » : « Je continuerai tant que je m'amuse, et que ça me fait plaisir. »

Jacques Gravend

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3350