« C’est le seul endroit où tout s’arrête, où j’affronte mes peurs. » À l’inverse, pense-t-il, d’autres sports qui entraînent des poussées d’adrénaline - comme la moto ou l’ULM -, la plongée sous-marine permet à Pierre Vuillermet « de travailler sur son intérieur pendant un temps ».
Le pharmacien de Grande-Synthe (Nord) a reçu son baptême de plongée à l’âge de 12 ans. À 16 ans, il a accompagné en Polynésie ses parents en voyage d’anniversaire de mariage. Depuis, « pas de vacances sans plongée ».
Son stage de 5e année de faculté dure quatre mois et se passe en Guadeloupe. À plonger bien sûr. Il prépare sa thèse, sous la direction du Pr Louis Ballester, consacrée aux mélanges d’air des bouteilles de plongée.
Sous des airs de Tintin souriant, il a parcouru le monde partout « où il peut plonger » : Écosse, Égypte (26 voyages déjà), Thaïlande, Allemagne. Il raconte ses plongées dans la baie du Scapa Flow, dans les îles Orcades, au nord de l’Écosse. Un des cimetières de bateaux les plus importants du monde : 74 navires de guerre allemands sabordés en juin 1919. On a cherché à en renflouer jusque dans les années 1970.
Gaz blender
Pierre Vuillermet est intarissable. Responsable du club de plongée de Dunkerque, la grande ville voisine, un club qui compte cent plongeurs et quinze moniteurs, il parle de la plongée « loisir », jusqu’à 40 mètres de profondeur, qui ne demande pas de palier de décompression à la remontée, de la plongée « sous plafond », le plafond de verre, qui rend obligatoire la décompression, une attente parfois très longue pour permettre un rééquilibrage des gaz de l’air et du sang. Le confrère, à son club, est « gaz blender », c’est lui qui fait les mélanges de gaz et de narcotiques des bouteilles.
Depuis Dunkerque, les plongeurs plongent en mer du Nord de mai à mi-octobre. On ne plonge qu’à « l’étale », entre la marée montante et la marée descendante, ou entre la marée descendante et la marée montante. Les courants sont alors moins forts, surtout par faibles coefficients. Pierre Vuillermet en rit, mais il établit un an à l’avance les jours favorables pour plonger, en fonction des coefficients. Tout le monde à l’officine connaît ces jours, la famille aussi - sa femme est également pharmacienne et salariées de l’officine - : ces jours-là, on veille, Pierre Vuillermet peut être en mer.
Addiction
En mer du Nord, il fréquente des sites identifiés de sous-marins de la Première guerre mondiale. Après 1 h 30 à 2 heures de navigation sur un pneumatique long de 8,90 mètres, qui peut embarquer six plongeurs, il se trouve au milieu du « rail », un couloir de navigation obligé depuis Ouessant, au large de la Bretagne, où une part très importante du trafic maritime mondial suit un chemin tracé pour éviter les collisions. Le tout petit pneumatique est alors entouré de bateaux, montants et descendants, « longs de 400 mètres, avec des tirants d’eau de 14 mètres ». Mais les plongeurs plongent.
« On aime se faire peur, convient le confrère, mais le bateau est très équipé, de kits notamment » (trachéo, par exemple). Pierre Vuillermet admet que la plongée est pour lui une vraie addiction, qui lui permet de dépasser ses peurs. « On a déjà fait des plongées qu’on n’aurait jamais dû faire. Le 12 août 2022, j’ai eu un accident grave au fond, je me suis essoufflé. J’ai d’abord pensé « tant pis », et puis « non », et je suis remonté comme ça. J’ai subi tous les examens possibles, un médecin a enfin trouvé une réponse satisfaisante. » Peut-être trop de confiance en soi ?
Pierre Vuillermet est un « tôlard », il court après la « tôle », les épaves. On sent qu’il est prêt à parler des heures… du monde du silence. Laissons le lui.