Congrès de la FIP

La crise du Covid-19 a renforcé le rôle des pharmacies dans le monde

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Publié le 29/09/2020
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Les pharmaciens ont vécu et vivent la crise du Covid-19 très différemment selon leur pays d’exercice, mais tous estiment que la pandémie a renforcé leur rôle et les a amenés à développer de nouvelles missions. Il leur faudra toutefois veiller à conserver ces nouveaux champs d’activité après la crise, a montré une table ronde organisée en ligne par la Fédération internationale pharmaceutique (FIP) avec des officinaux des quatre coins du monde.

pharmacie

Installé dans le Minnesota, Scott Knoer est l’un des administrateurs de l’Association américaine des pharmaciens, l’APhA. « À l’image de l’ensemble des États-Unis, nous n’étions absolument pas préparés à la pandémie, et nous avons manqué de tout pour y répondre, notamment en ce qui concerne notre protection », estime-t-il. Les choses se sont améliorées progressivement, et les pharmacies, qui faisaient partie des rares commerces restés ouverts pendant les confinements, ont multiplié les services aux patients, y compris en matière de livraisons à domicile. En outre, les pharmaciens ont été autorisés à pratiquer des tests de dépistage du Covid-19 à l’officine. Ils sont analysés par des laboratoires et les résultats retournés aux pharmaciens qui en informent les patients. Les officinaux peuvent désormais vacciner les mineurs, alors que ce droit ne concerne d’ordinaire que les adultes. De même, ils ont très souvent compensé la fermeture des cabinets médicaux en proposant des services de télémédecine, un secteur qui a très fortement progressé.

Pérenniser les nouvelles compétences

Pourtant, Scott Knoer constate avec amertume que même si le rôle des pharmaciens est apparu comme plus important que jamais, beaucoup de petites officines indépendantes, ayant perdu une grande partie de leur patientèle, privée de revenus pendant la crise, ont dû baisser le rideau ou ont été rachetées par des chaînes. De même, les hôpitaux ayant perdu énormément d’argent suite à l’arrêt de leurs activités les plus rentables, ils ont mis à pied des collaborateurs dans les deux tiers de leurs pharmacies, même si l’emploi repart actuellement. Autre inquiétude, la plupart des nouvelles missions dévolues aux pharmaciens l’ont été à titre exceptionnel, le temps de la crise. L’APhA se mobilise pour que ces compétences soient pérennisées, alors que les médecins plaident pour un retour à la situation d’avant la crise.

De l’autre côté de la planète, la Nouvelle Zélande offre une situation plus paisible. « Contrairement à la plupart des pays, nous avons eu le temps de voir venir la pandémie et de nous y préparer », explique Graeme Smith, officinal à Picton, ville côtière de l’île du Sud. Ceci explique aussi pourquoi le pays, de surcroît très isolé, n’a eu que 1 476 cas pour 5 millions d’habitants. Le confinement a accéléré le développement des prescriptions électroniques et renforcé l’activité de consultation des pharmaciens, y compris en vidéo et par téléphone, qui a été élargie à de nouvelles indications pour compenser la fermeture des cabinets médicaux. Les pharmaciens, déjà autorisés à vacciner, ont vu là aussi cette activité augmenter, notamment en ce qui concerne la grippe saisonnière, mars-avril correspondant, dans l’hémisphère sud, à l’arrivée de l’automne. Aujourd’hui, les pharmaciens réalisent aussi de nombreux tests du Covid-19 à l’officine. M. Smith se félicite de l’efficacité du gouvernement dans la gestion de la crise, et des aides financières qui permettront aux pharmaciens de compenser les baisses de revenus subies lors des confinements. Pour l’avenir, il invite ses confrères à avoir des « plans B » en cas de problèmes de personnel, afin de pouvoir vite remplacer du personnel malade ou indisponible, une situation qui posa de nombreux problèmes aux officines au début de la crise.

Les missions des pharmaciens ont aussi progressé en Europe, y compris en matière de pharmacovigilance et d’épidémiologie, comme l’a rapporté Carlos Treceno Lobato, pharmacien à Valladolid, en Espagne : 170 officines de Castille-Léon, déjà très engagées dans la prévention des effets indésirables des anticoagulants et des interactions entre ceux-ci et les statines, ont mené des études sur la prévention du Covid-19 par l’hydroxychloroquine dans leur patientèle, qui n’ont d’ailleurs pas révélé de différence significative d’incidence entre les patients qui en ont reçu et les autres. De même, ils ont mesuré les ventes d’OTC en les corrélant à la progression des cas de Covid-19, et montré qu’en général, une forte progression des ventes précède de 7 jours la survenue d’une flambée de cas dans un secteur donné.

Denis Durand de Bousingen

Source : Le Quotidien du Pharmacien