Grossesse et médicaments

Des pictogrammes qui sèment le doute

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Publié le 17/05/2018
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Deux pictogrammes alertant sur la dangerosité des médicaments ont fait leur apparition sur les conditionnements en octobre 2017. L’un signale un danger, l’autre interdit le médicament durant la grossesse. Toutefois, ces logos qui, à terme, figureront sur plus de 60 % des médicaments du marché, posent problème aux professionnels de santé et sont une source d’inquiétude pour les femmes enceintes.
grossesse et médicaments

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Crédit photo : dr

Pour 73 % des pharmaciens, l’usage du logo grossesse sur les conditionnements des médicaments est excessif, selon une enquête menée en ligne sur le site du « Quotidien du pharmacien », à laquelle ont répondu 136 internautes.

« On a un pictogramme identique, que le risque soit réel ou qu’il y ait juste une absence d’étude chez les femmes enceintes », avance ainsi Laurianne M, pharmacienne. Elle estime que « ce logo est une bonne idée - en effet quand on dit à la patiente que son gynécologue lui a prescrit un médicament contre-indiqué pendant la grossesse, le discours du pharmacien est mieux entendu et plus crédible car il peut s’appuyer sur la présence du logo - mais il manque clairement de hiérarchie ». De fait, « la nuance entre " danger " et " interdit " n’est pas comprise par les professionnels de santé, et encore moins des patientes », constate le Dr Élisabeth Elefant, responsable du Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) (hôpital Armand Trousseau) et membre de l’Académie de médecine.

Ou sinon, il faudrait « un contre logo en vert, pour les médicaments vraiment autorisés pendant la grossesse à posologie conseillée, et un logo orange pour les médicaments autorisés avec précaution ou pendant une période précise », propose le Dr Gnon, pharmacien, sur le site du « Quotidien du pharmacien », et qui estime que « les logos actuels font peur et sont excessifs selon les produits ».

Trop de logos tue le message

L’Académie de médecine s’est elle aussi préoccupée de ces logos utilisés larga manu et pas toujours de façon adéquate. Déjà, les textes de loi encadrant ces logos ne spécifient pas si la notion de tératogénicité ou de fœtotoxicité doit être fondée sur des données humaines ou sur des données animales. « Si l’on considère uniquement les données chez l’humain, une quinzaine de substances sont connues comme tératogènes et une quarantaine comme fœtotoxiques. Cela représente environ 10 % des spécialités sur le marché », expliquent les Sages… On est loin des 60 % de médicaments concernés ! Ensuite, les effets donnant lieu à un pictogramme sont parfois seulement évoqués dans le Résumé des caractéristiques du produit (RCP) sans être confirmés ; parfois ils sont anodins ou transitoires.

Enfin, la décision du pictogramme est laissée à l’appréciation des firmes, sans prendre en considération la nature des éléments pris en compte, leur gravité, les alternatives disponibles, etc. Ainsi, même si l’utilisation d’un médicament est recommandée dans certaines situations chez la femme enceinte, un pictogramme grossesse peut tout de même figurer sur son conditionnement.

Copie à revoir

À la lumière de ces éléments, l’Académie de médecine propose de revoir ces logos : elle demande à ce que « seules les substances ayant fait la preuve de leur effet délétère pour la grossesse humaine aient un pictogramme " Interdit ". Pour les autres, aucun pictogramme ne devrait être apposé : des échanges entre prescripteurs, pharmaciens et patientes sur la base des informations médicales disponibles et de la notice des conditionnements devraient suffire ».

Charlotte Demarti

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3436