L’aspirine confirme un effet protecteur contre le cancer colorectal. Une équipe de recherche suédoise du Karolinska Institutet et de l'hôpital universitaire Karolinska a démontré qu'une faible dose d'aspirine (160 mg) réduit de moitié le risque de récidive après une intervention chirurgicale chez les patients atteints d'un cancer du côlon et du rectum présentant une mutation PIK3CA, retrouvée chez environ 40 % des patients. Des études observationnelles avaient déjà suggéré le bénéfice de l’aspirine dans le cancer colorectal avec mutations des gènes de la voie de signalisation PIK3. « Cependant, les résultats antérieurs étaient incohérents et aucun essai clinique randomisé n'avait jusqu'à présent confirmé cette association. Pour combler cette lacune, l'essai Alascca a été lancé », commentent les auteurs dans un communiqué du Karolinska Institutet. L’essai, dont les résultats sont publiés dans The New England Journal of Medicine, a été financé en partie par le Conseil suédois de la recherche et la Société suédoise du cancer. « L'aspirine est testée ici dans un contexte totalement nouveau, en tant que traitement de médecine de précision. C'est un exemple clair de la manière dont nous pouvons utiliser les informations génétiques pour personnaliser les traitements tout en économisant des ressources et en réduisant les souffrances », se réjouit la première autrice, la Pr Anna Martling. Les chercheurs estiment que ces résultats pourraient avoir « une portée mondiale » et « influencer les directives thérapeutiques relatives au cancer du côlon et du rectum à l'échelle internationale ».
Un bénéfice plus marqué chez les femmes
L’essai a inclus des patients atteints d'un cancer du côlon et du rectum (de stades 1 à 3 selon les cancers, avec d’autres mutations ou une instabilité micro-satellitaire) provenant de 33 hôpitaux en Suède, en Norvège, au Danemark et en Finlande. Les patients dont les tumeurs présentaient une mutation génétique spécifique de la voie de signalisation PIK3 (n = 626) ont été randomisés pour recevoir durant 3 ans après leur opération, soit 160 mg d'aspirine par jour, soit un placebo. Ces patients se distinguaient par deux groupes d’altérations : le groupe A avec des mutations sur les exons 9 et 20 sur PIK3CA (n = 157), et le groupe B avec des mutations somatiques sur PIK3CA, PIK3R1 ou PTEN (n = 156). Les auteurs estiment l’incidence cumulative de rechute sur 3 ans à 7,7 % pour les patients sous aspirine et 14,1 % pour le placebo (HR = 0,49) dans le groupe A, et de 7,7 et 16,8 % dans le groupe B (HR = 0,42), soit une réduction du risque de récidive de 55 %. La survie sans progression à 3 ans était de 88,5 et 81,4 % dans le groupe A (HR = 0,61), et de 89,1 et 78,7 % dans le groupe B (HR = 0,51). Le bénéfice était plus marqué chez les femmes par rapport aux hommes, malgré une adhérence similaire, suggérant « une potentielle interaction sexe spécifique », selon les auteurs. Concernant les effets indésirables sévères, ils sont retrouvés chez 16,8 % des patients du groupe aspirine, dont quatre cas qui pourraient être reliés à l’aspirine (réaction allergique, saignements gastro-intestinaux, hémorragie sous-arachnoïdienne et hématome spontané associé à une anémie) et 11,6 % du groupe placebo.
L’aspirine agirait par réduction de l'inflammation et inhibition de la fonction plaquettaire et de la croissance tumorale
Les chercheurs pensent que les bénéfices de l’aspirine reposent sur plusieurs de ses propriétés : réduction de l'inflammation et inhibition de la fonction plaquettaire et de la croissance tumorale (activité anti-néoplasique via l’inhibition de COX-2). Une combinaison rendant l'environnement « moins favorable au cancer ». « Même si nous ne comprenons pas encore parfaitement tous les liens moléculaires, ces résultats corroborent fortement le fondement biologique et suggèrent que le traitement pourrait être particulièrement efficace chez certains sous-groupes de patients définis génétiquement », conclut la Pr Martling.
Du 23 au 31 décembre
Menace d’une nouvelle fermeture des laboratoires d’analyses médicales
Addictions
La consommation de drogues et d’alcool en baisse chez les jeunes
Crise sanitaire : le malaise des préparateurs
3 questions à…
Christelle Degrelle