Des abeilles accros aux friandises

L’énigme du miel bleu

Publié le 08/10/2012
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« LA TERRE est bleue comme une orange. » En relevant le travail de ses abeilles, l’apiculteur André Frieh a-t-il pensé à ce vers célèbre de Paul Eluard ? Peut-être, quoi qu’il en soit, en ouvrant chacune de ses 23 ruches, au lieu de la belle couleur ambrée du miel neuf, il a eu la mauvaise surprise de découvrir des alvéoles cireuses d’une jolie teinte bleue. La cire gaufrée, leur contenu et même les clayettes en bois des ruches avaient irrémédiablement viré à l’indigo. Et bien sûr, la production de ses chers hyménoptères avait, elle aussi, cette inhabituelle couleur froide. Du miel bleu, cette découverte aux allures de mauvaise plaisanterie, 15 apiculteurs d’Alsace en ont fait la même amère expérience. Aucun produit phytosanitaire n’a pourtant été utilisé, ni engrais, ni pesticide, ni aucun supplément alimentaire susceptible d’expliquer le phénomène. Une enquête a été menée, jusque sur le dos des butineuses, pour savoir d’où pouvait provenir la curieuse coloration. Et c’est en suivant leurs abeilles jusqu’à leur site de pollinisation que les apiculteurs ont levé le mystère du miel bleu. Le responsable de l’inopportune coloration n’est autre que l’usine de méthanisation de Ribauvillé. Depuis janvier 2012, ce site produit du biogaz et de l’engrais à partir de denrées alimentaires périmées ou invendues. Rappelons au chimiste qui sommeille en chaque pharmacien que la méthanisation (ou digestion anaérobie) est le processus naturel biologique de dégradation de la matière organique en absence d’oxygène. En l’occurrence, les abeilles butineuses sont allées jeter leur dévolu sur des résidus d’une confiserie industrielle produisant les célèbres M & M’s, petites billes chocolatées aux couleurs vives… Problème, si la cause industrielle de la pollution a été traitée, rien n’est prévu pour indemniser les apiculteurs malchanceux. Oserait-on une suggestion ? Proposer ce millésime exceptionnel de miel bleu à nos amis les Schtroumpfe…

› DIDIER DOUKHAN

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2950