Depuis près de 5 ans, la commune de Tende, dans les Alpes-Maritimes, n’a plus de pharmacie. Un projet d’antenne, qui aurait dû être le premier à voir le jour en France, n’a finalement jamais abouti. Contre toute attente, un pharmacien aujourd’hui titulaire dans l’Aude s’est finalement manifesté il y a quelques mois pour reprendre l’officine et l’opération de transfert a même été validée par l’agence régionale de santé. Sur place, son arrivée ne plaît cependant pas à tout le monde…
À 71 ans, Stéphane Barbier, titulaire à Val-de-Dagne, dans l’Aude, ne compte pas prendre sa retraite, bien au contraire. L'officinal a décidé de reprendre la pharmacie de Tende, à plus de 500 km de son lieu d’installation. Le 30 juin, l’ARS de PACA et celle d’Occitanie ont officiellement validé ce transfert, comme l’ont notamment relayé les médias locaux « Nice-Matin » et « France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur ». « J’ai racheté il y a plus de deux ans la licence de l’officine de Val-de-Dagne car je suis très attaché à la défense des pharmacies rurales et à l’accès aux médicaments pour les patients. Néanmoins, je suis venu car on m’a fait la promesse de l’arrivée de deux médecins, ce qui ne va finalement pas se produire. Je travaille seul, le chiffre d’affaires est très bas, ce n’était pas tenable. »
Plutôt que de ranger sa blouse, Stéphane Barbier, qui a également une formation de juriste, a donc décidé de se lancer dans un autre projet, particulièrement ambitieux : relancer la pharmacie de Tende, fermée il y a près de 5 ans, faute de repreneur. Un projet d’antenne, pourtant soutenu par l’ARS et porté par Xavier Durif, titulaire dans la commune voisine de Breil-sur-Roya, n’a jamais pu voir le jour, officiellement à cause de l’impossibilité de recruter un pharmacien pour gérer l’antenne au quotidien. Depuis, les habitants de Tende doivent faire de longs trajets en voiture pour trouver l’officine la plus proche. Un service de livraison, notamment pour les patients les plus isolés, a également été mis en place. « J’ai entendu parler du projet d’antenne qui avait été lancé sur cette commune. Je m’y suis intéressé et voyant que cela n’aboutissait pas, j’ai pris contact avec la mairie pour comprendre ce qu’il se passait », explique de son côté Stéphane Barbier. Un intérêt qui va donc se transformer en projet de reprise. « Rouvrir une véritable pharmacie à Tende par transfert était possible même si cette dernière est fermée depuis 5 ans, (grâce au décret d’application publié le 7 juillet 2024 qui rend possible l’ouverture de pharmacies dans des communes de moins de 2 500 habitants sous certaines conditions), explique Stéphane Barbier. L’agence régionale de santé et la mairie ont réellement fait le nécessaire pour que cela fonctionne », tient-il également à souligner. Si la population est selon lui ravie à l’idée de pouvoir prochainement retrouver une pharmacie de proximité, certains de ses confrères installés aux alentours ne voient pas l’affaire du même œil…
Des oppositions et des doutes au niveau local
Premier écueil, le titulaire de Breil-sur-Roya, Xavier Durif « a déposé un recours contre l’arrêté autorisant le transfert de l’officine », explique Stéphane Barbier. « Cet arrêté n’est pas suspensif et me semble assez léger sur le fond », estime-t-il au sujet de cette démarche. Interrogé par « France 3 », Xavier Durif explique notamment redouter des conséquences néfastes pour les autres officines du secteur, dont la sienne. « Il vaut mieux une pharmacie qui s’en sort que deux qui n’y arrivent pas », argumente-t-il.
Autre problème qui se pose devant le candidat à la reprise de la pharmacie de Tende : le versement en attente d’une aide financière de la part de la Caisse primaire d’assurance-maladie. « Le secteur de Tende a été identifié comme un territoire fragile par l’ARS », explique le pharmacien. À ce titre, il estime donc pouvoir bénéficier de l’aide de 20 000 euros accordée aux pharmacies des territoires fragiles, dispositif introduit par l’avenant 1 à la convention pharmaceutique. Une position que conteste Cyril Colombani, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) des Alpes-Maritimes. « Le problème, c’est que nous avons un repreneur qui demande en fait une aide à l’installation qui n’est prévue par aucun texte. L’aide aux pharmacies situées dans des territoires fragiles concerne des officines déjà installées et cela, je pense que ce pharmacien l’a très bien compris. Si on l’aide lui, pourquoi n’aiderait-on pas la pharmacie de Breil-sur-Roya et les autres du secteur qui se trouvent, elles aussi, dans une zone isolée ? », interroge-t-il. De son côté, Stéphane Barbier affirme avoir reçu « un courrier signé par le directeur général de l’ARS qui confirme que cette aide (lui) sera bien attribuée ». Quoi qu’il arrive, cette aide ne lui sera pas versée tout de suite.
Le futur repreneur veut rassurer sur la pérennité du projet
Le dernier point de litige, relevé notamment par Cyril Colombani, réside enfin sur l’âge du repreneur. À 71 ans, Stéphane Barbier peut-il incarner une solution d’avenir pour Tende ? « La question de la pérennité du projet se pose, estime en effet le président départemental de l’USPO. Nous voulons tous une pharmacie à Tende mais pas pendant seulement 6 mois ou un an. Lorsqu’il voudra arrêter, il aura énormément de difficultés à trouver un repreneur et le problème se posera de nouveau », anticipe Cyril Colombani. Des doutes que Stéphane Barbier tente de dissiper. « J’ai une santé de fer, promet-il premièrement. Je peux facilement travailler pendant 4 ou 5 ans mais ce que je veux, surtout, c’est transmettre. Je suis en contact avec un jeune pharmacien italien dont le diplôme est reconnu en France et qui souhaite venir travailler à Tende avec moi », informe-t-il également.
Il n’a pas non plus de doute sur la rentabilité de l’entreprise, alors que la pharmacie de Tende n’a pas suscité de convoitises de la part de pharmaciens locaux ces dernières années. « Cette officine faisait 1,3 million de chiffre d’affaires avant de fermer, met-il en avant. Il y a près de 2 000 habitants au village, 3 000 en comptant les communes alentour. C’est une zone touristique. Nous avons aussi des Italiens qui viennent car les médicaments sont plus chers et moins bien remboursés dans leur pays. Nous pourrons vendre de la parapharmacie, proposer de nouvelles missions », liste l’officinal. La nouvelle pharmacie doit ouvrir dans les locaux de la précédente, conditions du transfert oblige, d’ici à la fin de l’année, espère le pharmacien. Un établissement exigu mais Stéphane Barbier a déjà dans l’idée d’investir des locaux plus grands et plus adaptés dans un ou deux ans. Malgré toutes ces difficultés, il est convaincu que la pharmacie de Tende renaîtra. « Que cela soit moi ou quelqu’un d’autre elle rouvrira, parce qu’il y a une vraie volonté, notamment au niveau politique. »
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