Le Quotidien du pharmacien. – L’UFC-Que Choisir a dénoncé les prix excessifs des anticancéreux innovants, des tarifs qui seraient déconnectés des coûts de production et de commercialisation. Que répondez-vous ?
Thierry Hulot. – Selon l’association, il suffirait de payer le prix de production, d’ajouter 5 % de marge et de vendre le médicament 50 euros. Mais ça, c’est le modèle du générique, pas du médicament innovant. En fixant un tel tarif, on ne tient pas compte du fait qu’il y a un investisseur – un laboratoire pharmaceutique – qui a mené des recherches pendant 5, 10, 15 ou 20 ans. Ni que seulement 1 % des molécules testées, moins de 10 % de celles en essai de phase 1 et une sur deux en phase 3 iront jusqu’au bout de leur développement. Un parcours qui coûte entre 1 et 2 milliards d’euros par médicament. Les laboratoires doivent donc investir des sommes faramineuses et récupérer cet investissement en 8 à 10 ans, avant que le brevet ne tombe dans le domaine public. C’est tout cela qui justifie le prix. Et si l’on ne veut pas payer le prix de l’innovation, on n’aura pas accès aux médicaments innovants.
Les critiques concernant l’explosion du prix des traitements sont apparues en 2014, avec les antiviraux à action directe utilisés contre l’hépatite C, qui ont permis d’obtenir des guérisons pour un coût de 40 000 euros par patient. Qu’est-ce qui a changé pour que les médicaments innovants deviennent si chers ?
C’est le coût de la recherche qui a explosé. Le coût d’un essai clinique, par exemple, a été multiplié par 5 ou 6 en dix ans. Malheureusement, on ne parle que du prix, mais jamais des économies que ces médicaments permettent de réaliser. Un patient guéri de l’hépatite C, ce sont des greffes en moins, des hospitalisations en moins. Le retour sur investissement est colossal. Par ailleurs, il existe un problème avec les médicaments matures dont le prix est désormais très faible. Les industriels n’ont alors plus les moyens d’investir dans la production, qui s’en trouve fragilisée. On rencontre de plus en plus d’incidents de qualité, et cela conduit à des pénuries.
Quelles solutions pour que l’accès au médicament en France soit plus efficient ?
Le seul moyen, c’est de mettre tout le monde autour de la table – médecins, pharmaciens, grossistes, industriels, sous l’égide du gouvernement – et d’engager une vraie réflexion : quelle place donner au médicament dans notre système de santé ? Jusqu’où le finance-t-on ? Comment éviter le gaspillage ? etc. Il faut aller chercher de l’efficience dans le système, et une telle démarche nécessite, dans un pays où l’économie du médicament est extrêmement régulée, que tous les acteurs du monde du médicament se réunissent. J’appelle le Premier ministre et le gouvernement à organiser ces états généraux. Il faut agir maintenant. Si l’on attend 2027 pour régler ce problème, ce sera trop tard.
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