Le Quotidien du Pharmacien.- Le dispositif de partage de la valeur qui est applicable pour les entreprises de plus de 11 salariés et de moins de 50 salariés semble être assez méconnu des pharmaciens concernés. Êtes-vous interrogé sur ce sujet ?
Bertrand Cadillon.- Ce dispositif, qui ait été effectivement promulgué en début d’année, est un peu passé sous les radars compte tenu des péripéties du vote de la dernière Loi de Finances. Il faut aussi ajouter que la frange des pharmaciens concernés est assez faible : seules les officines dont le chiffre d’affaires se situe entre 3 et 4 millions d’euros et au-delà pourraient être soumises à cette nouvelle obligation. Ce n’est pas le cas le plus fréquent mais il faut le concéder, cette proportion évolue actuellement avec la disparition de prés de 200 officines chaque année ce qui fait mécaniquement croître les autres. Il faut, de plus, compter avec un autre facteur de croissance du chiffre d’affaires, la poussée des médicaments chers dans les ventes.
Pour ceux qui seraient concernés, pouvez vous rappeler les grand lignes de ce nouveau dispositif ?
Cyril Rongier.- D’abord il est important de préciser qu’il s’agit d’un dispositif expérimental prévu pour une durée de 5 ans. Comme annoncé, ce dispositif ne s’applique qu’aux pharmacies qui emploient plus de 11 salariés (équivalent temps plein) et moins de 50 salariés. Une condition supplémentaire est prévue par le texte : il faut que l’officine réalise un bénéfice net fiscal au moins égale à 1 % du chiffre d’affaires et cela pendant 3 années consécutives. Au cas particulier, les années de référence seront les années 2022-2023 et 2024.
Si ces conditions se trouvent réunies, les officines devront mettre en place soit un accord d’intéressement, soit un accord de participation, soit une prime de partage de la valeur (PPV) ou encore verser un abondement sur un plan d’épargne salariale (PEE, PEI, Perco ou encore Pereco, voir encadré). Bien évidemment les pharmacies qui auraient déjà mis en place de tels dispositifs au cours de l’exercice suivant les années de référence ne sont pas concernées. Par ailleurs, il est important de préciser que cette obligation s’applique aux exercices comptables ouverts à compter du 1er janvier 2025 pour les pharmacies constituées en société. À noter que les pharmacies en nom propres ne sont pas visées)
Comment définir un accord de participation ?
Bertrand Cadillon.- Sans rentrer dans des détails trop techniques, la participation est un mécanisme qui vise à redistribuer une partie des bénéfices aux salariés qui ont contribué aux performances de l’entreprise. Ce dispositif, qui existe depuis le 17 août 1967 dans sa version originale, est obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés (si effectif constant pendant 5 ans) il serait donc possible de le mettre en place en dessous de ce seuil si l’officine à plus de 11 salariés. Il faut savoir que le montant de la participation résulte d’une formule assez complexe et que le calcul des primes est fixé par un accord. Dernier point : les salariés peuvent percevoir la prime de participation immédiatement, dans ce cas celle-ci est fiscalisée, ou bien la verser sur un compte d’épargne salariale sans fiscalité, si elle est bloquée au moins 5 ans.
Quelle différence avec le contrat d’intéressement qui existe, semble-t-il, déjà, en officine ?
Bertrand Cadillon.- L'intéressement est un mécanisme un peu différent dans sa modalité même s’il vise les mêmes objectifs que la participation. Il permet de verser une prime aux salariés en fonction des performances de leur entreprise. Il ne s’agit plus forcément d’une redistribution du bénéfice. L’accord peut prévoir un calcul de la prime d’intéressement basée sur un pourcentage d’augmentation de ventes de produit de parapharmacie ou de la marge brute par exemple. Il peut aussi être prévu des éléments qualitatifs non financiers dans la formule. L'intéressement vise donc à encourager les salariés à s'impliquer dans la réalisation des objectifs à atteindre, définis par le chef d'entreprise. Le dispositif est mis en place par voie d'accord entre l'entreprise et les salariés ou leurs représentants ou par décision unilatérale du ou des dirigeants. Il contient le mode de calcul de l’intéressement et les règles de répartition entre les salariés. Attention toutefois, le montant de l’intéressement ne peut dépasser 20 % du montant total des salaires bruts annuels de l’officine et 35 325 euros par salarié en 2025.
Quels sont les points de vigilance lorsqu’un pharmacien souhaite mettre en place un contrat d’intéressement dans son officine ?
Bertrand Cadillon.- Il doit avoir en tête que le contrat d’intéressement ne peut se substituer à un système de prime déjà en vigueur dans l’officine. Il faut ajouter qu’il s’agit d’un accord collectif qui implique de dévoiler un certain nombre d’éléments financiers ou de gestion de la pharmacie au salarié en fonction des critères de calcul.
Lequel serait le plus adapté selon votre expérience. ?
Cyril Rongier.- La participation est un mécanisme de redistribution du bénéfice intéressant pour les entreprises. Les primes sont exonérées de cotisations sociales et non fiscalisables si elles restent bloquées pendant 5 ans sur un plan dédié. L’entreprise peut ainsi déduire, de son bénéfice fiscal, le montant des primes et même doter une provision pour investissement équivalente à la moitié du montant de la réserve de participation. Le point de vigilance de ce mécanisme est la gestion plutôt lourde au sein d’une pharmacie sans service comptable interne. Le ou les dirigeants devront solliciter l’avocat et l’expert-comptable pour traiter régulièrement le dispositif. Indiscutablement, un accord d’intéressement simple est beaucoup plus facile à gérer et semble plus adapté au cas de l’officine. Par sa souplesse, l’accord est évolutif pour mieux s’aligner aux objectifs de l’officine. Si les primes ne sont pas soumises à cotisations sociales patronales et salariales, elles sont imposables pour les salariés. Bien évidemment elles sont par ailleurs déductibles des résultats de l’officine.
Les primes de partage de la valeur, anciennement appelé Primes Macron, ont déjà été expérimentées par les pharmaciens. Est-ce la bonne réponse pour motiver les salariés ?
Cyril Rongier.- Dans un contexte où l’attractivité des métiers en officine est un défi majeur, le partage de la valeur devient un levier stratégique pour motiver et fidéliser les équipes en place. La Prime de Partage de la Valeur (PPV) est un dispositif pérenne permettant aux titulaires de verser une prime facultative à leurs salariés. Ce mécanisme s’inscrit dans une stratégie globale de partage de la valeur au sein de l’entreprise, aux côtés de la participation, de l’intéressement et des plans d’épargne salariale.
Les pharmaciens non visés par ce dispositif mais qui souhaite motiver et stabiliser leurs salariés doivent-ils s’en inspirer malgré les incertitudes économiques ?
Bertrand Cadillon.- Le partage de la valeur devient un outil de management moderne. Pour les pharmacies d’officine, la mise en place de la PPV représente une opportunité de renforcer la motivation et la fidélisation des équipes. Elle permet de valoriser l’engagement des salariés, reconnaître et récompenser leur implication sans alourdir la masse salariale, grâce aux exonérations fiscales et sociales. La PPV peut être instaurée même dans les structures de petite taille, offrant ainsi une flexibilité adaptée aux réalités du secteur pharmaceutique.
En l’intégrant dans une stratégie globale de partage de la valeur, elle contribue à renforcer la cohésion d’équipe et la performance de l’entreprise. Mettre en place un intéressement bien calibré, adossé à un PEE ou PERECO, permet aux titulaires d’officine de valoriser l’implication de leur équipe, de récompenser les efforts sans charges sociales excessives et de fidéliser sur le moyen et long terme.
Comment et où placer les primes ?
Le Quotidien du Pharmacien : PEE, PEI, Perco et Pereco… Comment ces plans peuvent-ils s’articuler avec la participation ou l’intéressement par exemple ?
Cyril Rongier.- Ces plans permettent aux salariés de placer les primes issues de la participation ou de l’intéressement (et/ou leurs propres versements volontaires) tout en bénéficiant d’avantages fiscaux et sociaux :
• PEE (Plan d’Épargne Entreprise) : épargne à moyen terme (5 ans glissants), souvent alimentée par l’intéressement/participation ou des versements volontaires. L’employeur peut également moduler un abondement des sommes versées.
• PEI (Plan d’Épargne Interentreprises) : variante du PEE pour les petites structures mutualisant les dispositifs.
• PERCO (Plan d’Épargne pour la Retraite Collectif) : ancienne formule, remplacée progressivement par le PERECO.
• PERECO (Plan d’Épargne Retraite Collectif) : permet une épargne de long terme pour la retraite, issue des primes ou des versements volontaires.
Participations, intéressements, Prime de partage de la valeur (PPV) et abondement peuvent être déposés sur ces plans et bénéficient, sous conditions, d’exonérations sociales et fiscales. Outils de fidélisation des salariés, ils permettent d’enrichir de manière efficace la politique sociale en récompensant la performance collective sans alourdir excessivement la masse salariale directe.
Propos recueillis par M. B.
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