Le 25 septembre dernier, en même temps qu’il annonçait la suspension de l’arrêté abaissant le plafond des remises sur les génériques, le Premier ministre Sébastien Lecornu s’engageait aussi à généraliser le dispositif OSyS (pour Orientation dans le système de soins) à toute la France. Intégré en avril par François Bayrou dans son plan de lutte contre les déserts médicaux, adopté en mai au Sénat dans la proposition de loi de Philippe Mouillé, l’extension des compétences des pharmaciens est revenue sous la forme d’un amendement gouvernemental dans le PLFSS 2026. Dans le cadre du réseau France Santé, les pharmaciens seraient appelés à « contribuer à l’évaluation et à la prise en charge de situations cliniques ainsi qu’à l’orientation du patient dans le parcours de soins ». La liste des situations cliniques concernées serait publiée par un arrêté du ministre chargé de la santé.
Le temps politique s’est accéléré, avant même que le processus d’évaluation de l’expérimentation, lancée en 2021 au titre de l’article 51, ne soit arrivé à son terme. Le rapport d’évaluation, à partir des données arrêtées en 2024, et l’avis du comité technique et conseil stratégique de l’innovation en santé, du ministère de la Santé, ne devrait être publiés qu’en décembre. Comme pour Onco’Link, expérimentation de suivi des patients sous anticancéreux oraux à domicile, qui a reçu le 6 novembre un avis favorable à la transposition en droit commun, « ce sera un " go " ou un " no go " », explique Martine Costedoat, coordinatrice du projet OSyS pour Pharma système qualité (PHSQ). « Je ne doute pas que ce sera un go, ajoute-t-elle, car le rapport d’évaluation est favorable. » Ce que confirme l’équipe de l’article 51 au ministère de la Santé (voir encadré).
Que le feu vert passe par une volonté politique ou par le processus de l’article 51, qui prévoit une période transitoire de 3 à 18 mois, l’extension d’OSyS aux officines situées en priorité en zone d’accès difficile aux premiers soins pourrait intervenir dès 2026. Et même si tous les officinaux appliquent déjà une partie d’OSyS passée dans le droit commun sous la forme des TROD angine et cystite, et la prescription d’antibiotiques au besoin, il y a des leçons à tirer de l’expérience des pharmaciens qui l’ont testé au cours de ces quatre dernières années.
Clément Beurel est titulaire à Moncontour (Côtes-d’Armor). Sa pharmacie fait partie des premières officines pilotes en Bretagne. « Faute de médecin, on a vu arriver des patients avec des symptômes que l’on ne voyait pas auparavant et on ne savait pas comment les diriger, explique-t-il. OSyS répond à cette question : qui doit prendre en charge le patient avec tel symptôme ? » « Le plus positif, c’est la sécurisation du patient dans le parcours de soins ».
C’est la leçon principale de l’expérimentation : elle a prouvé la valeur de l’expertise du pharmacien en premier recours
Laetitia Hénin-Hible, présidente de PHSQ
À l’usage, les 50 premiers pharmaciens bretons se sont rendu compte qu’ils ne traitaient pas les 13 symptômes initialement prévus. « On n’allait pas sur les céphalées ou les diarrhées car le patient attendait une réponse rapide alors qu’il aurait fallu 20 minutes pour sécuriser le parcours », explique Clément Beurel. Le protocole a été réduit à six symptômes : les cystites, les angines, passées ensuite dans le droit commun, les plaies simples, les piqûres de tiques, les conjonctivites et les brûlures de premier degré. « En cas de doute sur l’origine infectieuse ou allergique d’une conjonctivite, par exemple, je passe par OSyS. » L’entretien dure 10 à 15 minutes. La satisfaction des patients atteint les 99 %, selon PHSQ. « Aujourd’hui, les patients le demandent eux-mêmes d’autant qu’il y a encore moins de médecins dans le secteur ».
Autre facteur facilitant aux yeux des expérimentateurs : la simplicité de l’outil numérique ONO mis en place par PHSQ
Le duo pharmacien-médecin au cœur du dispositif
Deux facteurs de succès ont émergé : le lien tissé avec les médecins au niveau local et la mobilisation de toute l’équipe officinale. « OSyS fonctionne sur le duo pharmacien — médecin », explique Martine Costedoat. « Il est important que ces derniers prennent connaissance des arbres décisionnels, le but n’est pas de les contourner, mais de leur dégager du temps médical ». À chaque nouvelle étape d’OSyS, Clément Beurel est allé la présenter aux médecins de son secteur. « Au départ, ils craignaient qu’on les appelle à chaque patient à risque, alors qu’ils sont déjà surchargés, mais c’est le patient qui fait la démarche. Avec la traçabilité des actes, et la transmission des comptes rendus par la Messagerie sécurisée de santé (MSS) , les généralistes ont vite été rassurés. »
Le dispositif a été élargi à trois régions supplémentaires en 2023, Occitanie, Centre-Val de Loire et Corse. En Corse, malgré le pilotage engagé par l’URPS, quatre pharmacies sur 26 ont abandonné. « Suite à des tensions avec un médecin libéral lors de la prescription des antibiotiques pour les angines et cystites, mais depuis tout s’est arrangé », explique Pierre Albano, le coordinateur et formateur. Les médecins qui ont joué le jeu en saluent les résultats : le taux de réorientation vers le médecin est de 15 à 20 %, le passage aux urgences a baissé de 5 %, le taux d’échec thérapeutique est de moins de 1 %. « Aucun incident grave n’a été signalé », se félicite Pierre Albano. Il en est de même au niveau national. « Il n’y a eu aucun dysfonctionnement majeur sur plus de 10 536 triages, explique Martine Costedoat. C’est la preuve que le protocole, très formalisé, avec les arbres décisionnels, la traçabilité et le suivi sont légitimes et les officinaux bien formés ».
Autre facteur facilitant aux yeux des expérimentateurs : la simplicité de l’outil numérique mis en place par PHSQ, ONO (Outil numérique OSyS). « C’est le point fort d’OSyS, estime Vanessa Auroux, coordinatrice OSyS pour la région Centre-Val de Loire. Il est simple, c’est un bon outil de traçabilité ». Une simplicité qu’il faudrait réussir à conserver lors d’une généralisation à l’échelle nationale. Cet outil informatique a été développé par PHSQ, sur ses fonds propres. « Il a fait ses preuves auprès de 200 pharmacies, nous aimerions pouvoir le valoriser, explique Laëtitia Hénin-Hible, présidente de l’association. Car l’abandonner au bout de trois ans serait vraiment dommage. » L’améliorer passerait par une intégration avec les logiciels métiers. « C’est un outil facile d'utilisation, souligne Pierre Albano. L’inconvénient, dans l’Article 51, c’est qu’il n’est pas intégré au LGO ».
Reconnaître financièrement le travail accompli
Une autre possibilité d’évolution concerne l’organisation au sein de l’officine. Seuls les pharmaciens, titulaires et adjoints, peuvent faire entrer un patient dans le protocole. « Au départ, la crainte du préparateur était de voir le conseil leur échapper, explique Clément Beurel. En réalité, quand il a un doute sur la prise en charge, le préparateur oriente vers le pharmacien pour basculer dans OSyS. Mais quand il y a un seul pharmacien, il est sollicité pour la vaccination, les entretiens, etc., Il faudrait pouvoir davantage impliquer le préparateur. » Au-delà, cette évolution du métier impose de reconnaître financièrement le travail accompli. « Cet acte est rémunéré 12,50 euros contre 15 euros au début de l’expérimentation, déplore Vanessa Auroux. Ce n’est pas la peine que l’on fasse la preuve de son efficience pour le système de santé, si c’est pour réduire sa rémunération ». Pour Laëtitia Hénin-Hible, c’est la leçon principale de l’expérimentation : elle a prouvé la valeur de l’expertise du pharmacien en premier recours. « Quand il évalue une situation et décide de réorienter le patient, le pharmacien mobilise son savoir. Il doit être rémunéré, même si au final il ne vend rien. » Ce sera l’un des sujets à négocier pour qu’une généralisation d’OSyS soit un succès.
Évaluation : quatre arguments en faveur d’une généralisation
Faisabilité. Lancée en Bretagne, l’expérimentation s’est étendue en 2024 à 200 officines réparties dans quatre régions. « On a réussi à créer une vraie dynamique », souligne Jean Malibert, référent article 51 au ministère de la Santé. Sur les 10 000 situations de triage visées, 8 775 ont été réalisées fin décembre 2024, « soit 82 % de l’objectif, ce qui, pour un article 51, est très positif ».
Efficacité. Le dispositif a été déployé dans des zones où l’accès aux soins de premier recours est limité.
Résultat : 17 % des triages ont eu lieu le week-end, 15 % après 18 heures et 7 % entre 12 heures et 14 heures.
Le protocole prévoit un rappel téléphonique quelques jours après le triage : 98 % des patients ont vu leur état s’améliorer.
Efficience. Plus de la moitié des patients se seraient tournés vers leur médecin sans OSyS, 40 % auraient eu recours à l’automédication et 6 % seraient allés aux urgences. « On améliore ainsi l’orientation et on désengorge le système de soins, à un coût moindre, explique Jean Malibert. Pour l’assurance-maladie, cela représente un sous-coût estimé à 5 % par rapport aux intentions initiales des patients. »
Reproductibilité. Les pharmaciens jugent l’expérimentation simple à mettre en œuvre. La formation clinique « correspond pleinement à leurs attentes », et le système d’information est perçu comme « un véritable outil d’aide à la décision ». Enfin, l’expérimentation a pu être « déclinée sur tout le territoire, avec une adaptation fluide aux spécificités locales, sans véritable frein ».
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