Le témoignage d’un pharmacien allemand face à la politique de rigueur

« Nous sentons dans nos officines la crise au quotidien »

Publié le 04/06/2012
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Souvent présentée comme un modèle, la politique de rigueur en Allemagne fait aussi des ravages, notamment parmi les pharmacies. En marge du congrès économique annuel des pharmaciens allemands, qui s’est tenu récemment à Potsdam (voir notre édition du 10 mai), « le Quotidien » a rencontré le titulaire d’une importante officine de Hambourg, touché par la crise tout comme ses confrères. Témoignage.
À Hambourg, comme dans toute l’Allemagne, les pharmacies sont durement touchées par la politique...

À Hambourg, comme dans toute l’Allemagne, les pharmacies sont durement touchées par la politique...
Crédit photo : DR

DEUXIÈME ville d’Allemagne, Hambourg se singularise par sa grande diversité sociale. Des quartiers très riches y voisinent avec des zones particulièrement déshéritées. On retrouve ces contrastes en pharmacie, explique Günther Boehm, titulaire d’une officine dans cette ville : « D’un côté, des clients payent des bricoles avec des billets de 50 ou de 100 euros, et, de l’autre, des personnes malades viennent nous demander un vrai conseil médical parce qu’elles n’ont pas de quoi payer les 10 euros de forfait trimestriel auquel sont assujettis les assurés qui consultent un médecin. » De même, poursuit-il, certains patients nous demandent souvent, en fin de mois, de leur faire crédit du ticket modérateur de 50 cents ou 1 euro par boîte jusqu’au début du mois suivant…

Comme tous ses confrères, il sent très directement les effets de la politique de rigueur qui touche les pharmaciens*, même si son officine est suffisamment grande pour absorber le choc. « Je travaille autant qu’avant, il y a autant de monde, mais je suis de moins en moins au comptoir, je fais de plus en plus de tâches administratives et, surtout, il me reste nettement moins d’argent qu’auparavant. » Par contre, la situation des petites officines, qui n’ont pas la même assiette financière, est parfois dramatique : M. Boehm connaît plusieurs confrères qui ont maintenant « vraiment du mal », et une étude présentée à Potsdam a montré que 25 % des pharmacies affichent désormais un résultat avant impôt inférieur à 50 000 euros, et peuvent être considérées comme étant en danger.

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que 90 % des pharmaciens s’attendent à une nouvelle baisse de leur résultat en 2012, 50 % prévoyant aussi une baisse de leur chiffre d’affaires ; 20 % des pharmaciens envisagent des suppressions de personnel ou un recours au temps partiel, et le nombre des pharmaciens projetant des modernisations pour leur officine ou de nouveaux investissements en agencement ou en informatique a largement chuté depuis 2010.

* 424 officines ont baissé définitivement leur rideau en 2011 en Allemagne, soit 8 par semaine, un nombre de fermetures jamais atteint dans l’histoire du pays.
DDB

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2927