Blanchiment d’argent sale

La mafia s’empare de pharmacies italiennes

Publié le 10/03/2016
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La Ndrangheta, la mafia originaire de la Calabre, investit dans le secteur des officines pour recycler le produit de ses activités illicites. Les fils, diplômés en pharmacie, de parrains, gèrent le nouveau filon des clans.
Un phénomène qui gangrène tous les types de commerce

Un phénomène qui gangrène tous les types de commerce
Crédit photo : DR

Le parquet de Milan tire la sonnette d’alarme : la mafia calabraise a effectué une percée dans le secteur des pharmacies italiennes. En enquêtant sur le crime organisé en Calabre, trois magistrats de la cellule milanaise anti-corruption ont noté que les clans se sont lancés dans l’achat d’officines et que leurs enfants font des études de pharmacies.

« Nous avons constaté avec étonnement, que de nombreux jeunes issus de familles mafieuses, font des études de pharmacie », a déclaré la juge milanaise anti-corruption Ilda Boccassini, début mars. Dans les années 1990, cette magistrate avait participé à l’opération « Mains propres » et levé le voile sur un vaste réseau de corruption au sein de la classe politique et industrielle.

Respectabilité

Aujourd’hui, Ilda Boccassini ouvre un nouveau chapitre sur la politique de diversification de la mafia dont l’objectif est d’augmenter son chiffre d’affaires et de consolider sa présence dans toute l’Italie.

« Pour les clans de la Ndrangheta (la mafia la plus puissante et la plus violente de la péninsule ndlr), la pharmacie est avant tout un synonyme de respectabilité et leur permet de s’infiltrer dans la société locale », analyse Paolo Storari, procureur de Milan. Autre aspect important : la rentabilité économique, un facteur essentiel pour les familles mafieuses. « La pharmacie garantit des revenus fixes et une sécurité de l’emploi. Elle permet aussi aux clans de s’insérer dans le secteur de la Santé et de pouvoir contacter des représentants de la classe politique », synthétise Paolo Storari.

Le constat brossé par les magistrats anti-corruption part de l’arrestation du directeur de la Poste de Siderno, une commune de vingt mille habitants située dans la ceinture industrielle de Reggio Calabre, le chef-lieu régional.

Affilié à la mafia calabraise, Giuseppe Strangio avait investi en 2006 une partie de ses revenus, deux cent vingt mille euros provenant d’activités illicites, dans l’achat d’une officine. Implantée à Milan, cette pharmacie est gérée par la fille du directeur de la Poste et le fils d’un parrain impliqué, entre autres, dans une affaire d’enlèvement et de trafic de drogue. « La Ndrangheta se concentre sur les pharmacies implantées dans le nord de la péninsule pour élargir son champs d’action », estime Ilda Bocassini.

En septembre 2015, une enquête ouverte par le parquet de Salerne dans la région de la Campanie, avait déjà souligné l’intérêt des clans mafieux régionaux pour le secteur des officines. « Les pharmacies permettent à la mafia de recycler l’argent sale », avait déclaré le procureur Corrado Lembo.

Ariel F. Dumont

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3247