Après la faillite du droguiste Schlecker en Allemagne

La distribution des médicaments hors de l’officine en question

Publié le 06/02/2012
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Prévisible depuis plusieurs mois et officielle depuis fin janvier, la faillite de la chaîne de drogueries Schlecker, jusque-là numéro 1 du secteur en Allemagne, avec 10 000 magasins dont 3 000 dans d’autres pays européens, pose aussi, selon les pharmaciens d’outre-Rhin, la question de la distribution des médicaments hors des circuits classiques de l’officine.

SCHLECKER, chaîne familiale créée en 1967 et devenue progressivement un géant de la droguerie, s’était lancé en 2005 dans le pick-up de médicaments, en s’adossant à une pharmacie virtuelle créée par ses soins, Vitalsana, dont le siège est aux Pays-Bas. Concrètement, les clients des drogueries pouvaient y déposer leurs ordonnances, puis y récupérer quelques jours plus tard leurs médicaments, préparés par Vitalsana et envoyés à la droguerie. Les clients bénéficiaient ainsi de prix légèrement inférieurs aux prix du marché allemands, grâce notamment à la différence de prix et de TVA entre les médicaments allemands et les médicaments néerlandais. Les pharmaciens avaient réussi, en 2006, à faire interdire ces pratiques au nom de la protection de la santé. En 2010, elles avaient à nouveau été autorisées au nom, cette fois, de la liberté économique, le risque sanitaire lié à ce mode de fonctionnement n’ayant pas été jugé assez grave par les autorités.

Certes marginal, le pick-up, pratiqué aussi par l’autre grande chaîne de drogueries allemandes, Drogerie Markt, n’aura en tout cas pas suffi pour sauver Schlecker, dont les magasins à la spartiate, ambiance low cost, affichaient toutefois souvent des prix supérieurs à ceux de ses concurrents.

Une pratique contestée.

Réagissant à cette faillite retentissante, le président du syndicat des pharmaciens allemands, Fritz Becker, a certes versé des larmes de crocodile en pensant notamment aux « 30 000 employés du groupe désormais au chômage », mais il s’est surtout inquiété des conséquences d’une telle faillite pour l’avenir de l’approvisionnement pharmaceutique. « Si des chaînes de droguerie remplacent petit à petit les pharmacies de quartier, mais disparaissent soudain du jour au lendemain, ce n’est pas dramatique pour les acheteurs de dentifrice et de savon, mais çà l’est beaucoup plus pour les patients qui y déposent et reprennent leurs ordonnances, parce qu’il n’y a plus de pharmacies, a-t-il souligné, en estimant que cette faillite démontre le risque qu’il y aurait à démanteler les pharmacies traditionnelles au nom de la seule politique des prix. » Il appelle donc une nouvelle fois le gouvernement à revoir sa politique des pick-up, alors même que le sujet reste extrêmement controversé dans le pays et que de nombreux procès continuent d’avoir lieu sur ce thème. La pratique pourrait d’ailleurs disparaître prochainement d’elle-même, dans la mesure où le gouvernement envisage maintenant d’interdire les rabais sur les médicaments en provenance d’autres pays, ce qui ferait perdre tout intérêt aux pick-up, mais aussi aux pharmacies virtuelles opérant depuis l’étranger.

En attendant, d’intenses tractations financières sont en cours pour décider de l’avenir de la chaîne de drogueries Schlecker, qui pourrait être considérablement réduite, puis démantelée, en étant partagée entre plusieurs repreneurs, le sort de Vitalsana restant, lui aussi, indécis pour le moment.

DENIS DURAND DE BOUSINGEN

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2895