Sur un marché du non-remboursable lourd de 4,1 milliards d’euros au premier trimestre et en croissance de 3,4 %, le réseau officinal reste le principal moteur et défend sa pole position. La pharmacie physique détient en effet près de 92 % de parts de marché (3,77 milliards d’euros, + 2,9 % de croissance), très loin devant ses challengers que sont la parapharmacie, les pharmacies et parapharmacies en ligne et bien sûr le redouté Amazon.
Médication familiale, hygiène beauté, compléments alimentaires, premiers soins tests et dispositifs médicaux et nutrition : sur tous les segments de ce marché de la vente libre, selon la terminologie d’IQVIA qui présente ces données, et principalement dans la médication familiale et le segment des premiers soins, des tests et des dispositifs médicaux, où elle fait figure d’acteur de référence, la pharmacie d’officine a toute légitimité pour revendiquer cette place, ne serait-ce que pour le conseil du pharmacien et de ses équipes.
Le référencement, facteur différenciant
Mais pas seulement, comme l’analyse Paul Reynolds, associé principal, analytics solutions d’IQVIA. Car la force de frappe de la pharmacie ne se limite pas à la médication familiale, son cœur de métier. Si ce segment historique continue de dominer les ventes du non-remboursable à l’officine et en constitue 36 % du chiffre d’affaires, d’autres composantes attestent du savoir-faire du pharmacien pour développer les univers de l’hygiène-beauté et du complément alimentaire, ces deux segments ayant généré le plus de croissance au cours du 1er trimestre (63 % en cumul tous canaux confondus).
Le référencement de l’officine se distingue ainsi radicalement de celui des autres acteurs du marché. Prenant pour exemple les compléments alimentaires, l’analyste d’IQVIA constate que le marché de la pharmacie se différencie par son expertise dans la vitalité/immunité, la digestion, l’humeur/stress/sommeil, les voies respiratoires et enfin la beauté qui, elle, ne représente que 6 %. À l’inverse, dans les ventes de compléments alimentaires d’Amazon, la beauté est en haut du podium (26 %) suivie de la vitalité/immunité, de l’humeur/stress/sommeil, de la minceur et enfin de la digestion. De toute évidence, Amazon et le circuit officinal ne chassent pas sur les mêmes territoires, ni avec les mêmes armes. Le top 3 des laboratoires référencés par le géant du Web (EA Pharma, Nutravalia, Nutri & Co) ne se retrouve pas dans les rayons de l’officine dominés par Pilèje, Arkopharma et Nutergia.
Deux groupements parmi les moins chers du Web
Le réseau officinal a d’autant plus d’atouts pour contrer la poussée de la vente en ligne au premier trimestre (+ 14 % pour les e-pharmacies et parapharmacies, + 43 % pour Amazon) que le levier prix relève davantage du mythe que de la réalité. Selon les analyses d’IQVIA, les disparités observées ne sont pas notables, les écarts de prix moyens étant même à l’avantage de l’officine dans trois segments sur cinq (digestion, beauté et vitalité/immunité) et quasi inexistants dans les voies respiratoires. Seule différence constatée : les prix pratiqués sur le Web dans le segment de l’humeur/stress/sommeil. Les avantages des acteurs de la vente en ligne, et plus particulièrement du géant de la vente en ligne ne résident assurément pas dans ses tarifs, en déduit Paul Reynolds, les écarts minimes relevés pouvant s’expliquer davantage par des conditionnements plus importants que par une politique de prix.
Les tarifs pratiqués par sept groupements d’officine sont globalement plus bas que ceux affichés par les parapharmacies Leclerc Drive.
De même, une analyse présentée par IQVIA, portant cette fois sur un comparatif entre parapharmacie et circuit officinal, et les prix du segment hygiène-beauté, spécifiquement sur un produit cosmétique phare, aboutit au même constat. Là aussi, les prix pratiqués par l’officine sont souvent plus compétitifs. Ainsi, comme l’observe Jean-Sébastien Eudes, co-fondateur du cabinet FACT, les tarifs pratiqués par sept groupements d’officine sont globalement plus bas que ceux affichés par les parapharmacies Leclerc Drive. Toutefois, les écarts de prix sont plus ventilés dans le réseau officinal alors que 80 % des Leclerc Drive regroupent leur prix dans une fourchette de 0,20 euro. « La fédération élevée de Leclerc conduit à un corridor de prix compétitifs, sans pour autant être les plus bas », conclut Jean-Sébastien Eudes. A contrario, les pharmacies ont une politique de prix plus éclatée, y compris au sein du même groupement. « La meilleure fédération notée dans les groupements est de 30 %. »
Retour au e-commerce. Là également les groupements de pharmacie supportent la comparaison. Basée sur un panier commun de plus de dix références sur des sites « pure players » et « hybrides », cette étude démontre que deux groupements d’officines se situent dans les quatre sites pratiquant les prix les plus bas. Rapporté à 11 références communes, un comparatif entre les sept groupements et E.Leclerc Drive démontre « qu’au point de vente les prix les plus bas se situent dans 74 % des cas au sein des pharmacies ».
En 2027, bien qu’en progression de 20 à 30 % par rapport à 2024, Amazon ne détiendra que 2,22 % de parts d’un marché estimé à 18 milliards d’euros
L’exception française
Si le prix n’est donc pas un argument compétitif, la force des concurrents de l’officine – et plus particulièrement de la vente en ligne- est à chercher ailleurs. « La facilité d’accès au produit -process de commande avec compte personnel et livraison par système d’abonnement – et la présence d’avis vérifiés qui peuvent pousser à l’achat spontané », expose Paul Reynolds.
D’autres projections d’IQVIA confortent le positionnement de l’officine à moyen terme sur le marché du non-remboursable. Et désamorcent les inquiétudes quant à une montée en puissance d’Amazon et de ses challengers. Les perspectives d’implantation de ces acteurs sur le marché du non-remboursable restent limitées. Même si, comme le prévoit IQVIA, « la dynamique du e-commerce viendra soutenir la dynamique du marché de la vente libre dans les années à venir ». Cependant, en 2027, bien qu’en progression de 20 à 30 % par rapport à 2024, Amazon ne détiendra que 2,22 % de parts d’un marché estimé à 18 milliards d’euros. Un volume légèrement plus élevé (0,5 milliard d’euros), reviendra aux e-pharmacies et parapharmacies tandis que l’officine continuera sur sa lancée avec une hausse estimée à 2,3 % et un chiffre d’affaires de 16,2 milliards d’euros. Un volume qui représentera encore 90 % du marché du non-remboursable.
IQVIA veut voir dans cette timide avancée du géant du web sur le marché hexagonal une spécificité française, comparable à la pénétration laborieuse de la vente en ligne sur le marché global des produits de santé. « En France, la vente libre en ligne est en progression de 23 % au premier trimestre représentant 4 % des ventes totales. » Un marché du e-commerce balbutiant comparé à ses voisins. En Italie et en Pologne, il approche les 10 % de part de marché. Et même les 20 % en Allemagne. Si ce marché de la vente en ligne reste confidentiel dans l’Hexagone, c’est la conséquence de la législation qui la circonscrit, comme l’analyse Paul Reynolds. Contrairement à la réglementation en vigueur dans d’autres pays européens, un pharmacien français doit impérativement détenir une pharmacie physique pour se lancer sur la toile. Autant d’atouts dont peut se saisir la profession qui s’apprête à ouvrir à l’automne le portail « Ma pharmacie en France ».
D’après la conférence annuelle Consumer Health IQVIA du 3 juin 2025
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